mercredi 13 novembre 2013

Taxer mieux et pas plus, un mode d'emploi

La FGTB et la CSC organisaient ce mardi à Bruxelles un grand congrès conjoint sur la fiscalité - une première - en présence de moults orateurs éminents. L'occasion pour les syndicats de s'immiscer dans un débat qui sera au centre de la prochaine campagne électorale. Avec pour fil rouge une question qui s'impose plus qu'elle ne se pose dans un pays où la pression fiscale compte parmi les plus élevées au monde: comment "taxer mieux, pas plus" ?
En ouverture, Christian Valenduc, tête pensante du service d'étude du SPF Finances, était invité à objectiver un peu la discussion. Tout expert qu'il soit, l'homme n'est bien sûr pas neutre. Mais son exposé (voir les slides ici) recadre utilement plusieurs concepts manipulés dans le débat politique.
Il rejette notamment l'idée souvent évoquée d'une "TVA sociale" (aussi appelée "dévaluation fiscale"), consistant à compenser une baisse des cotisations sociales par une hausse de la TVA. Une telle mesure, adoptée en Allemagne, donne un coup de pouce à l'emploi sur le court terme, mais l'effet favorable s'estompe rapidement, selon lui.
Pour baisser la fiscalité du travail (une urgence tant le travail est pénalisé dans ce pays), Valenduc privilégie d'autres pistes, notamment un report sur la taxation de l'épargne. Celle-ci est en effet plutôt basse en Belgique par rapport aux pays voisins. Surtout, la mesure serait relativement efficace d'un point de vue économique: dans une petite économie ouverte, une hausse de la fiscalité de l'épargne n'aurait pas d'effet sur le coût du capital. Autrement dit, pas d'impact négatif sur l'investissement et la croissance, comme on l'entend souvent. Dès lors, il évoque une "imposition généralisée de tout rendement (revenu et plus-value) à taux unique de 25%, avec un abattement à la base indépendant du type de placement"
Interrogé par Le Soir en marge de la conférence, le ministre des Finances semble n'avoir retenu que la dernière partie de la proposition. Koen Geens suggère d'exonérer, en plus des premiers 1.880 euros d'intérêt sur les comptes d'épargne, le rendement des bons de caisse, actions et obligations. La mesure favoriserait le financement à long-terme des banques, explique-t-il. Le ministre CD&V ne mentionne par contre nullement la taxation des plus-values. Et pour financer la baisse du coût du travail, il préférerait "réduire les dépenses publiques". On est loin des propositions de l'expert.
Christian Valenduc tord le cou à une autre idée populaire chez les politiques: les taux réduits de TVA. Bien que la TVA soit un impôt régressif (les pauvres paient plus que les riches, proportionnellement à leurs revenus), les taux réduits sont un très faible instrument redistributif, estime-t-il. Ils ont un coût faramineux pour "corriger l'indice de Gini à la troisième décimale" (autrement dit pour réduire à peine les inégalités). A méditer quand on sait que plusieurs partis, y compris à l'extrême gauche, veulent baisser la TVA sur l'énergie de 21 à 6%.
Pour rétablir la progressivité de l'impôt des personne physiques, Valenduc préfère "une révision drastique" des niches coûteuses (notamment les déductions pour emprunts hypothécaires). Il suggère aussi de faire passer à 30% la tranche des revenus actuellement taxée à 40%. Une bouffée d'air pour les bas et moyens salaires, préférable selon lui à la piste privilégiée actuellement par les partis politiques. Beaucoup veulent élargir le bénéfice de la première tranche exonérée de tout impôt.
Il n'est pas certain que ce genre de propositions soient audibles dans un débat dominé par les slogans - genre "électrochoc fiscal" - et par le clientélisme. La Belgique peut pourtant difficilement faire l'économie d'une réforme profonde de son système fiscal injuste et pénalisant pour ceux qui travaillent.

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