mardi 8 mai 2012

Justice fiscale: quand Hollande se faisait allumer par Piketty

Ce dimanche soir, François Hollande, fraîchement élu à la présidence de la République, a demandé d'être jugé sur deux grands axes de son programme: la justice et la jeunesse. La justice est bien sûr à comprendre au sens large: pas seulement le système judiciaire, mais bien la répartition équitable des chances et des revenus. Une confrontation avec l'économiste Thomas Piketty, filmée par MediaPart en janvier 2011 (voir plus bas), donne un éclairage intéressant sur cette question.
Celui qui n'était alors qu'un des candidats du parti socialiste revient largement sur le thème de la justice fiscale. "La cohésion d'un pays est révélée par son système fiscal", souligne-t-il. "Je pense même que la réforme fiscale est la condition de la réforme d'ensemble de la société. La première des réformes doit être la réforme fiscale".
Et précisément, François Hollande détaille, dans cet entretien parfois technique, comment il compte réformer la fiscalité en France, notamment
- en simplifiant le système pour le rendre plus acceptable et compréhensible pour les citoyens et
- en élargissant la progressivité de l'impôt aux revenus du capital (aujourd'hui seul l'impôt sur le revenu du travail est progressif).
En cela, ses propositions ne sont pas très éloignées de celles défendues par Thomas Piketty, un chercheur en sciences économiques qui s'est imposé ces dernières années comme LE spécialiste des inégalités et de la redistribution. L'an dernier, il a appelé à une "révolution fiscale", dans un essai publié conjointement avec Camille Landais et Emmanuel Saez. Ces trois économistes proposent un nouvel impôt sur le revenu, simplifié, avec moins moins d'exemptions et doté d'une progressivité beaucoup plus marquée. Sur un site dédié assez bien fait, ils proposent à chacun de constater, chiffres à l'appui, que les revenus les plus faibles seraient moins taxés, même jusqu'à un niveau assez avancé dans les classes moyennes.
Là où l'entretien entre l'économiste et le candidat devient piquant, c'est quand le premier égratigne le second sur le manque de crédibilité de son projet. Depuis un siècle, selon lui, les socialistes proposent en campagne électorale de grandes réformes fiscales qui n'aboutissent à rien.
Amusant aussi de voir comment il accuse Hollande d'être rétrograde en favorisant fiscalement les couples mariés, et quand il épingle ses erreurs sur l'impôt sur la fortune.
La conversation permet aussi, avec le recul, de constater - déjà - cette incohérence chez François Hollande. En janvier 2011, il s'opposait aux taux marginaux confiscatoires sur les très hauts revenus. Ceux-ci "n'auront aucun effet et ne produiront aucune recette", disait-il alors. "Des taux qui évitent l'imposition ne sont pas efficaces". Quelques mois plus tard, en pleine campagne, le même François Hollande proposait pourtant un taux marginal de 75% sur les revenus supérieurs à un millions d'euros. Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, fera-t-il sans doute valoir. Entre-temps, aussi, Thomas Piketty aura rejoint un groupe d'économistes signataires d'une tribune dépeignant Hollande comme 'le candidat le plus apte à redresser la France et à rassembler les Français".
Mais jugez sur pièce, en regardant la confrontation de janvier 2011 (environ 50 minutes en tout).








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