Robin des bois est mort. C’est-à-dire : dans sa version fiscale. La taxe Robin des bois, c’est le petit nom que les ONG ont donné à la taxe sur les transactions financières, également connue sous le patronyme de son inventeur, l’économiste James Tobin, qui goûtait peu de voir son très sérieux projet ainsi repris par des gauchistes aux cheveux longs. Mais peu importe la filiation de la taxe Tobin, souvenons-nous qu’en 2011, après trois décennies de palabres, la Commission européenne lui a donné une chance unique de sortir de la théorie économique pour entrer dans la réalité des marchés. La proposition devait permettre de de prélever une trentaine de milliards d’euros sur les transactions financières. Certains imaginaient déjà la recette affectée aux pays en développement. Une vraie taxe Robin des bois, donc, parce que plus que d’autres impôts elle avait pour objectif de prendre aux riches pour le donner aux pauvres.
Las, cinq ans après la proposition de la Commission, les Etats membres de l’UE peinent toujours à trouver un compromis pour la mettre en application. Jusqu’en 2013, assez commodément, il était facile de blâmer les méchants anglo-saxons ultra-libéraux, opposés au projet. Mais depuis que la taxe est négociée entre une avant-garde de 11 Etats membres, les masques tombent. La Belgique, a-t-on, appris récemment, et plus particulièrement son ministre des Finances, le N-VA Johan Van Overtveldt, rechignent tellement que les négociations pourraient capoter. C’est un virage à 180 degrés pour un pays qui fut pionnier dans le domaine : en 2004, la Chambre belge des représentants était la première en Europe à adopter une résolution favorable à la taxe. La Belgique a depuis soutenu le projet dans les instances européennes, et cette ligne est toujours inscrite dans l’accord de l’actuel gouvernement de Charles Michel Michel. Pour la galerie, sans doute, car derrière les portes closes du Conseil des ministres européens, son ministre des Finances fait tout ce qui est en son pouvoir pour raboter le projet de taxe. Johan Van Overtveldt tient à ce que la Belgique reste com-pé-ti-tive en tant que centre financier, surtout que ses deux grands rivaux, le Luxembourg et les Pays-Bas ont eux carrément refusé de participer aux négociations. Pour la même raison, le ministre refuse de récupérer 700 millions de cadeaux fiscaux aux multinationales, octroyées à travers le mécanisme de l’excess profit ruling, comme le lui ordonne la Commission européenne. Il joue également l’obstruction sur une directive anti-évitement fiscal. Cette politique rencontre du succès, si on en croit un rapport récent: la Belgique se classe sur la deuxième marche du podium européen en matière de législation favorisant l’optimisation fiscale agressive.
Bref, le tax shift, ce fameux glissement qui devait rééquilibrer notre fiscalité, reste loin, très loin du compte. La taxation du travail aura sans doute été un peu réduite, mais pas assez pour changer la plate réalité de notre plat pays : il demeure un paradis fiscal pour les multinationales, et un enfer fiscal pour ses citoyens.
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