La SNCB travaille en effet à développer une véritable classe affaires, histoire de faire payer plus cher le prix du billet. Une évolution qui n’a rien d’anecdotique. Partout dans le monde, des opérateurs de transport réfléchissent à diverses manières de marquer les différences de confort entre les classes pour générer davantage de revenus.
Aux Etats-Unis, les compagnies aériennes ont ainsi créé la classe « basique », inférieure à la classe économique. Les passagers ne sont certes pas relégués dans la soute de l’avion, mais leurs possibilités de réservation sont rognées au maximum : ils recevront les plus mauvais sièges et n’auront aucune possibilité de modifier le ticket.
De son côté, un opérateur comme Delta Air Lines propose désormais cinq catégories de tarifs différents, ce qui lui permet de viser des consommateurs aux pouvoirs d’achat variés.
Bien sûr, la plupart de ces compagnies veillent à rester dans le politiquement correct, ce qui n’empêche pas certaines d’entre elles de commettre des erreurs de communication. En Italie, un spot publicitaire mettant en scène une famille d’immigrés voyageant en quatrième classe dans un train de Trenitalia a ainsi suscité la polémique.
Quelles que soient les précautions prises, le constat reste identique : plus les écarts de revenus se creusent, plus la différence de qualité au niveau des biens et des services se fait sentir.
On savait déjà que le secteur du luxe, tout autant que les chaînes de magasins ultracompétitifs (les fameux hard discount), résistaient mieux à la crise économique que les enseignes intermédiaires. Aujourd’hui, on se rend compte que des services théoriquement publics sont de plus en plus différenciés. Nous avons un système scolaire inégalitaire, une justice à deux vitesses et, désormais, un transport de moins en moins « en commun ».
Capitalisme patrimonial
Au-delà des mots et des symboles, les inégalités deviennent donc de plus en plus sensibles. Et elles nous ramènent, comme l’affirme l’économiste Thomas Piketty, à l’ère du « capitalisme patrimonial », quand quelques familles concentraient entre leurs mains l’essentiel du capital. A l’époque du Titanic, par exemple. Ce paquebot transatlantique dont le naufrage, le 14 avril 1912, représente à lui seul un exemple flagrant d’injustice sociale : cette nuit-là, 60 % des passagers de première classe survécurent, contre 42 % en deuxième et 25 % en troisième.
Rassurons-nous : la marche vers l’inégalité n’a rien d’inexorable. Durant de longues décennies, la tendance inverse a prévalu, depuis la suppression de la troisième classe en 1952 dans les trains belges jusqu’à l’abolition des compartiments de première classe dans le métro parisien en 1991.
Au début des années 2 000, la SNCB avait même envisagé d’instaurer une seule classe pour tous. « Un des objectifs de l’entreprise est d’offrir des places assises pour tous. Une fois cet objectif atteint, la première classe n’aura vraiment plus de raison d’être », expliquait alors un dirigeant de la SNCB. Autres temps, autres mœurs…
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