Pour illustrer le poids de l'Union européenne dans nos vies quotidiennes, on cite souvent le pourcentage impressionnant de lois nationales qui seraient une simple transposition de directives sur l'environnement, la santé, la protections des consommateurs, les marchés publics et bien d'autres sujets (voir cet article de Jean Quatremer). S'il est un domaine entre tous où l'influence européenne s'est accrue ces dernières années, c'est le budgétaire.
La crise financière et la pression de l'Allemagne conjuguées ont poussé l'Europe à se doter d'un arsenal de lois, traités et procédures pour limiter les déficits. Je ne compte plus les heures passées à couvrir des réunions sur ce sujet, ni le nombre de fois que j'ai écrit "renforcement de la discipline budgétaire" dans un article.
Vous vous y perdez dans le fatras budgétaire européen ? C'est normal. Voici un aperçu des pouvoirs que l'UE s'est arrogé récemment. Rappelons d'abord que le pacte de stabilité (1997) interdit les déficits supérieurs à 3% du PIB et les dettes plus élevés que 60%. Et qu'en 2003, on a décidé de rendre ce pacte plus "intelligent" en permettant une petite flexibilité liée à la conjoncture.
Depuis 2010 et la crise des dettes souveraines, l'heure n'est plus qu'au renforcement. Il y a d'abord eu eu le "six-pack": six règlements prévoyant pêle-mêle des sanctions financières pour les pays déviants, un rythme élevé de désendettement obligatoire, un mécanisme d'alerte pour les dérapages de compétitivité.
Vingt-cinq pays ont ensuite adopté un traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG): la règle d'or d'interdiction des déficits est constitutionnalisée, le déficit structurel ne pourra plus dépasser 0,5%.
Un "two-pack" vient enfin d'être approuvé: possibilité de mise sous tutelle accrue pour les pays en grave dérapage. La Commission obtient le droit d'obliger les gouvernements à retoquer leur projet de budget avant l'examen au parlement national.
Toutes ces procédures découlent du même raisonnement: puisque nous partageons une monnaie, il faut aussi partager la souveraineté. Il s'agit de remédier à un grave défaut de construction de l'euro.
Le problème, c'est qu'en corrigeant un vice de construction, les Européens sont en train d'en aggraver un autre: le déficit démocratique. Il ne menace pourtant pas moins de lézarder tout l'édifice.
L'UE n'est pas complètement anti-démocratique, comme certains semblent le penser (voir ceci), mais son déficit démocratique est bien connu (désignation à huis clos du président de la Commission et du Conseil, procédures peu transparentes pour de nombreuses autres décisions, poids des lobbies, Parlement européen encore trop souvent une chambre d'enregistrement...).
Or, toutes les nouvelles procédures, bien qu'elles touchent à une question essentielle (combien les Etats peuvent dépenser), accentuent ce déficit démocratique. Des pouvoirs étendus sont confiés à la Commission, mais les compétences du Parlement européen ne suivent pas.
On pourrait ne voir là qu'un obscur débat institutionnel, un sujet de dissertation académique, un passe-temps pour euro-fédéralistes naïfs... On aurait tort. Je suis (reste) convaincu que la question démocratique est centrale dans la crise financière que traverse la zone euro. Celle-ci est le reflet d'un basculement de de très larges pans du débat politique dans un cadre international. Les entreprises ne connaissent plus les frontières. L'interdépendance s'accroît. Au niveau budgétaire, il n'est plus possible que chaque pays décide dans son coin.
Une démocratie continentale à portée de main
A défaut d'une gouvernance démocratique mondiale, un objectif lointain, une gouvernance démocratique européenne est à portée de main. Malgré ses allures de vaste usine à gaz, le Parlement européen est en train de devenir le lieu d'un véritable exercice démocratique continental. Voyez comme il a rejeté le traité Acta que la Commission européenne voulait faire passer en force. Comme il tient tête aux chefs d'Etat et de gouvernement contre des coupes budgétaires drastiques. Comme il force le débat sur la mutualisation des dettes publiques malgré l'opposition farouche d'Angela Merkel. Ou comment il impose un plafonnement des bonus au point que le député Belge Philippe Lamberts, artisan de la mesure, serait désormais "l'homme le plus détesté de la City" (voir ces articles du Monde et du Financial Times).
Le traité de Lisbonne a déjà étendu les compétences du Parlement dans toute une série de matières (ici). Pour la première fois, il vient ainsi de voter son avis, en tant que co-législateur, sur une réforme de la Politique agricole commune (PAC).
Mais le champ démocratique européen doit encore être renforcé, singulièrement dans les matières économiques. Le pouvoirs donnés à la Commission doivent faire l'objet d'un contre-poids démocratique. La redoutable troïka (Commission, FMI, BCE), qui dicte aux pays en banqueroute les mesures d'austérité à appliquer, ne doit pas seulement être occupée le temps d'une manifestation ("Occupy the Troïka"), mais placée sous un contrôle parlementaire permanent. Le Parlement ne doit pas seulement être consulté symboliquement, mais devenir co-législateur sur l'harmonisation fiscale.
Ces pouvoirs démocratiques devront être arrachés de haute lutte: beaucoup de gouvernements préfèrent encore les compromis de l'ombre aux débats transparents. Beaucoup pensent que le Parlement se contentera bien d'un os à ronger. L'enjeu en Europe, ces prochaines années, sera de rendre la politique économique à nouveau légitime.
Les élections européennes de 2014 seront un tournant. La chance est grande qu'elles soient précédées d'un débat public médiocre et que le taux de participation soit à nouveau en baisse. Mais il se pourrait aussi que la campagne électorale soit le théâtre d'un vrai débat sur la direction à donner à l'Europe. Ce n'est pas utopique: il suffit de se souvenir du débat vivace qui a précédé le référendum en France sur le traité constitutionnel européen. La Commission vient d'émettre une idée intéressante: que chaque parti désigne un candidat à la succession de José Manuel Barroso (ici). Chaque candidat pourrait ainsi porter (même s'il ne pourra être élu que dans son propre pays) une vision claire, distincte du projet européen.
En allant un peu plus loin, on pourrait imaginer que les élections se muent alors en un référendum sur les politiques économiques actuelles. Et qu'elles débouchent, pour la première fois, sur une vraie alternance au sommet de l'Europe.
Bien sûr les résultats seront contrastés, divergents d'un pays à l'autre. Bien sûr il y aura des compromis post-électoraux forcément décevants. Bien sûr, les lobbies continueront d'influencer les votes.
Mais à moins de penser que l'Europe ne sera changée que par la rue, ces élections de taille continentale sont la meilleure manière d'infléchir son cours actuel.
La communauté Rom, transfrontalière par nature, a compris les enjeux de l'élection européenne...
RépondreSupprimerDes candidats roms aux élections européennes en 2014
L’Agence européenne pour les Roms a annoncé, mardi 19 mars, qu’elle présenterait huit candidats aux élections européennes de 2014.
Une organisation de défense des Roms , l'Agence européenne pour les Roms (AER), a annoncé mardi qu'elle présenterait huit candidats aux élections européennes de 2014 avec l'objectif de lutter contre les discriminations et d'améliorer l'intégration de cette communauté.
"Le temps des discriminations envers les Roms est terminé, nous voulons maintenant nous affirmer sur le plan politique européen", a déclaré au cours d'une conférence de presse à Bruxelles Stefan Rostas, président de l'AER, qui sera lui-même candidat l'an prochain. Par cette démarche, l'ONG affirme vouloir "lutter contre tout dérapage et ségrégation raciale, affirmer les droits de la population rom et promouvoir leur intégration".
10 à 12 millions de Roms en Europe
L'AER présentera un candidat en France, deux en Belgique, mais sera présente aussi en Allemagne et en Roumanie, le pays européen qui compte le plus grand nombre de Roms avec quelque deux millions de personnes. Une députée d'origine rom, la Hongroise Livia Jaroka (PPE, conservateurs), élue sur une liste du parti conservateur Fidesz au pouvoir à Budapest, siège actuellement au Parlement européen.
Entre 10 et 12 millions de Roms vivent sur le continent européen, dont six millions dans l'UE, la plupart en Europe centrale et du sud-est.