mardi 25 septembre 2012

Nouvelle donne et réseaux sociaux

J'ai un peu modifié la mise en page du blog pour mieux intégrer les réseaux sociaux.
Il est désormais possible, via la colonne de droite, de s'abonner à un flux Twitter ou à une page Facebook. Je poste sur ces deux réseaux des liens sur la politique européenne, l'économie, la régulation financière et le justice fiscale...
Je me suis aussi essayé récemment à Storify, une plate-forme permettant de créer un récit à partir d'éléments glanés sur les réseaux sociaux et sur le web. Vous trouverez ici mon compte et ci-dessous un premier article sur la progression effrayante du chômage en Europe et sur les perspectives de création d'emplois dans le secteur de la santé. Une autre façon de parler des questions de redistribution, puisqu'on ne peut pas parler des "emplois blancs" sans évoquer leur mode de financement...

La crise existentielle de l'Union européenne, une occasion de la changer en profondeur

Un peu à l'image de la Belgique qui l'héberge, l'Union européenne est prise fréquemment d'angoisses existentielles. De crises en nouveaux traités, elle n'a cessé de se réformer depuis le lancement de la Communauté économique européenne à Rome en 1957. Et, exactement comme en Belgique, ces crises ont tendances à devenir plus fréquente.
Après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en 2010, les dirigeants européens clamaient bien haut que le temps de l'introspection institutionnelle était révolu. Après une décennie de palabres sur un projet constitutionnel, il était temps de se consacrer au contenu des politiques, aux préoccupations des gens, des vrais.
Mais cette bonne résolution n'a pas résisté à la crise de la dette, qui amène l'Europe à réfléchir, une nouvelle fois, à ses structures, en particulier dans la zone euro. Le vice de construction est connu depuis longtemps: l'Union économique et monétaire est boîteuse. Seule sa jambe monétaire est solide, avec une banque centrale forte; la jambe économique est faible, avec des gouvernements qui agissent en ordre dispersé.
Sur cette jambe de bois, les responsables européens ont apposé plusieurs plâtres, ces dernières années, avec notamment l'adoption d'un traité de discipline budgétaire et d'un traité établissant un Mécanisme européen de stabilité. Mais il est désormais évident que ces solutions ne seront que provisoires. Car non seulement elles sont insuffisantes, mais elles accentuent le grave déficit démocratique européen.
Une réforme plus profonde n'est désormais plus un tabou, et l'on perçoit ces frémissements annonciateurs d'un prochain bouillonnement institutionnel. Voyez comme José Manuel Barroso, le président de la Commission, appelle à une "fédération d'Etats nations" (dans son "discours sur l'Etat de l'Union, ici). Inimaginable il y a quelques années, même si 'expression reste délibérément plus ambigüe que celle d'Etats-Unis d'Europe chère aux fédéralistes.
Et puisque le débat est ouvert, après cinq années de crise financière sans précédent, il semble maintenant que toutes les questions peuvent être mises sur la table. Il n'y a plus de politiquement correct.
Les grands choix qui s'offriront aux Européens cet automne ont été résumés par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy,  dans un un document intitulé "Achever l'union économique et monétaire" (ici).  Il y expose quatre grands chantiers: "un cadre financier intégré", "un cadre budgétaire intégré", "un cadre de politique économique intégré" et "renforcer la légitimité démocratique" (dans cet ordre).

Problème numéro un: le déficit démocratique

Il me semble qu'il faudrait renverser cet ordre de priorité. La toute première des questions à prendre en considération est celle qui est balayée sous le tapis en Europe depuis trop longtemps: son déficit démocratique. Une phrase du discours de José Barroso mérite d'être soulignée (une fois n'est pas coutume).
"L’époque d’une construction européenne qui se faisait avec l’accord tacite des citoyens est révolue".
Le déficit démocratique de l'Union européenne n'est pas secondaire par rapport à la crise de l'euro. Au contraire, il en est un élément central. Cette crise est politique bien plus qu'elle n'est économique. La seule question à résoudre est celle du partage de la souveraineté et du nécessaire consentement des citoyens.
Partager une monnaie revenait, pour les Etats qui ont adopté l'euro, à se marier. Or, pour éviter de brusquer des électeurs manifestement pas prêts  à une telle union sacrée, on leur a fait croire qu'il serait possible de vivre en couple libre. Que chaque pays pourrait encore mener librement sa politique économique. Tout au plus a-t-on réussi à faire passer des critères de Maastricht, qui après quelques années de rigueur ont été oubliés.
On sait aujourd'hui que l'union monétaire, comme le mariage, requiert de la constance. Et avant d'être constant, il faut être consentant, ce que les peuples d'Europe n'ont jamais vraiment été. On leur a fait une Union européenne dans le dos. Et quand ils rechignaient, comme après les référendums irlandais, français et néerlandais, on les a pressés instamment d'y réfléchir à deux fois.
 La tendance s'est accentuée ces dernières années, au cours desquelles l'Union a fait passer, via des règlementations incompréhensibles pour le commun des citoyens, un renforcement considérable de son contrôle sur les politiques nationales. L'ancien président de la Commission Jacques Delors ne dit pas autre chose quand il évoque, dans cet entretien récent, "une complexité qui nous éloigne des citoyens et qui handicape le système".
"Entre le semestre européen, le « Six-Pack », puis le « Two-Pack », puis le pacte budgétaire, et enfin le pacte dit de croissance, je me demande qui comprend, voire maîtrise, le système ? Qui peut dire à quel partage ou à quel transfert de souveraineté conduiront les nouveaux dispositifs de contrôle ?"
Ce déficit démocratique est devenu carrément intolérable depuis qu'une troïka internationale impose aux gouvernements des pays sous perfusions de véritables diktats, dans l'opacité et sans pratiquement aucun contrôle démocratique - si ce n'est le consentement résignée gouvernements exsangues.
Il est temps de demander vraiment aux électeurs ce qu'ils pensent de l'Europe. Les pays qui le veulent participeraient à une Europe noyau. Les autres resteraient membres du grand marché.
Il est temps, aussi, d'arrêter de voir le Parlement européen comme un gros machin complexe peuplé de ringards inutiles et surpayés. Les élections de 2014 devraient permettre une vraie campagne sur l'Europe. A plus long terme, le Parlement devrait évoluer pour devenir une sorte de Congrès à l'Américaine, véritable lieu de contre-pouvoir.

Une Europe noyau

Depuis longtemps, l'Europe est déchirée entre son approfondissement et son élargissement. Mais il est devenu clair qu'à 27 membres, bientôt 28, elle ne permet pas de prendre des décisions efficaces, en particulier pour la zone euro. Voyez ce qu'en dit le Premier ministre belge, Elio Di Rupo, dans son discours prononcé vendredi dernier à l'ULB:
"Je voudrais juste vous dire ma conviction : actuellement parler d’une Europe politique à 27, c’est une illusion. Illusion qui engendre des attentes fortes, qui crée surtout de grandes déceptions et nourrit un terrible sentiment anti-européen. Le projet d’une Europe politique doit d’abord être porté par les 17 pays de la zone euro".
Il ajoute
"Un exemple. Lors du dernier sommet, durant des heures et des heures, il fut impossible de prendre à 27 les décisions qui étaient pourtant indispensables pour l’Espagne, l’Italie et l’Irlande. Ce n’est que lorsque nous nous sommes réunis à 17, sans la Grande Bretagne et 9 autres pays qui ont gardé leur monnaie nationale que nous avons réussi à prendre des décisions courageuses. Ensuite, nous les avons fait avaliser par les 27".
La crise est avant tout celle de la zone euro. C'est au sein de la zone euro qu'elle devra être résolue.
Ce qui est fondamental selon moi, c'est qu'elle offre une occasion unique de faire évoluer l'Europe dans une direction plus solidaire et moins concurrentielle. Une occasion que beaucoup attendent depuis longtemps.
Un noyau plus intégré ne devra pas nécessairement - ou pas exclusivement - être basé sur le modèle compétitif allemand. Si la volonté politique existe, il  pourrait y être aussi question d'harmonisation des politiques sociales et fiscales. Aujourd'hui décidées à l'unanimité au sein des 27, ces politiques sont condamnées à la paralysie. Salaire minimum européen, temps de travail, impôts des sociétés harmonisé... tous ces blocages pourraient être surmontés.
D'autres tabous sont en train de tomber. L'idée d'un budget central est désormais évoquée, parallèlement à l'émission d'une dette commune et à des nouvelles ressources propres, par exemple sous la forme d'une taxe sur les transactions financières. Même le Wall Street Journal évoque, sans crier à l'hérésie, la possibilité d'une allocation de chômage européenne (ici). On croit rêver...
Dans d'autres enceintes, comme au sein du groupe de 11 ministres des Affaires étrangères (voir le rapport du "groupe Westerwelle"), d'autres propositions ambitieuses sont émises, jusqu'à la création d'une armée européenne...
La participation à ce noyau requerra aussi des efforts: les pays devront vraiment mener une politique économique commune - et plus seulement faire semblant. Avec des questions difficiles, comme par exemple celle de l'indexation automatique des salaires en Belgique.

Divorce à l'anglaise ?

Autour de ce noyau graviteraient les pays qui ont pas choisi de ne pas y participer. Ils pourraient conserver une partie de l'acquis communautaire, en particulier le marché unique. Ce sera le cas de certains pays d'Europe centrale, comme la République tchèque, où la population voit Bruxelles comme un nouveau Moscou. Ce sera, surtout, le cas du Royaume-Uni, qui se détache de plus en plus du continent. Si l'intégration européenne est un mariage, il faut aussi être prêt à envisager le divorce - même si beaucoup d'arguments plaident en faveur d'une implication britannique en Europe, comme l'a souligné avec brio cette semaine le chef de la diplomatie polonaise Radek Sikorski dans un discours à Oxford (ici).
L'Europe devra veiller à ses intérêts en cas de divorce britannique, notamment en faisant payer à Londres chèrement son ticket d'entrée pour le marché unique. Radek Sikorski ne dit pas autre chose:
"Many European states would hold a grudge against a country which, in their view, had selfishly left the EU. While you are an important market for the rest of the EU, accounting for about 11% of the rest of the EU’s trade, your trade with the EU is 50% of your total trade. No prizes for guessing who would have the upper hand in such a negotiation. Any free trade agreement would have a price. In exchange for the privilege of access to the Single Market, Norway and Switzerland make major contributions to the EU’s cohesion funds. They also have to adopt EU standards – without having any say in how they are written. At the moment, Norway’s net contribution to the EU budget is actually higher, per capita, than Britain’s".

Il faudra enfin limiter certains mouvements de capitaux pour éviter que la City de Londres aspire l'épargne des Européens vers des produits financiers non-régulés ou devienne un nouveau hub d'évasion fiscale.

Nombreux obstacles

Il ne faut pas s'y tromper. La réforme dont je viens d'esquisser les contours sera très difficile à mettre en oeuvre. Au sein de la zone euro, plusieurs pays, comme l'Irlande ou la Slovaquie, refuseront toute forme d'harmonisation fiscale. D'autres, comme la France, refuseront les transferts de souveraineté. A l'extérieur de la zone euro, la Grande-Bretagne et d'autres rechigneront à voir se développer une zone plus intégrée où ils n'auront plus leur mot à dire.
Pour ces raisons, il est très probable qu'une réforme vraiment démocratique soit impossible, un peu comme au Conseil de sécurité de l'ONU, bloqué depuis longtemps dans un modèle dépassé. C'est pourtant le défi de la construction européenne aujourd'hui: s'adapter ou devenir obsolète.

lundi 24 septembre 2012

Le Rubik belge a du plomb dans l'aile

A peine lancé en Belgique, le ballon d'essai de Didier Reynders semble sur le point de se dégonfler. De retour de Suisse, où il avait évoqué la question avec les autorités locales, le ministre des Affaires étrangères avait appelé à un débat sur un possible accord Rubik de régularisation fiscale (voir mon dernier post). Il savait, au vu des tensions que suscite la proposition suisse en Allemagne et au Royaume-Uni, que la pilule passerait difficilement. Mais il ne se doutait sans doute pas qu'elle rencontrerait une telle opposition.
Si en Allemagne, le gouvernement a pu au moins négocier un projet d'accord et le soumettre au parlement (avec une audition importante ce lundi au Bundestag), il ne semble en Belgique même pas se dessiner de consensus pour en discuter. Les partis flamands, socialistes en tête mais également démocrates-chrétiens, s'y sont en effet fermement opposé (ici).
Il faut dire qu'entre-temps, les 10 milliards d'euros de recettes évoquées se sont, elles aussi, dégonflées. Pour le fiscaliste Thierry Afschrift, ce sont à peine quelque 200 millions d'euros qui rentreraient dans les caisses de l'Etat. L'ONG Tax Justice Network a quant à elle calculé un maximum théorique d'un milliard, qui ne sera en fait jamais atteint en raison de multiples possibilités d'évasion (voir cette note).
L'organisation a lancé la semaine dernière un appel direct à la Belgique, mais aussi à la Grèce et à l'Italie à ne pas négocier avec la Suisse un accord qualifié d'"escroquerie" (ici). Les trois pays, qui connaissent des difficultés budgétaires à des degrés divers, sont sollicités par la Confédération helvétique.
En Belgique, le communiqué de TJN  ressemblait au dernier clou dans le cercueil d'un accord mort-né. A moins qu'une fois passées les élections communales, quand les partis de la majorité devront trouver les milliards nécessaires à l'assainissement budget, la perspective de quelques centaines de millions facilement ne fasse changer certains d'opinion... Du côté francophone, il faut dire, même le parti socialiste n'a pas complètement fermé la porte, tandis que le cdH s'est déclaré ouvert à la discussion - montrant par là qu'il n'est pas toujours plus à gauche que son pendant flamand.

lundi 10 septembre 2012

Combien un accord Rubik pourrait-il rapporter à la Belgique ?

Évoqué depuis plusieurs mois en coulisses, dans les milieux de la gestion de fortune, le dossier Rubik a fait irruption dans le débat public belge la semaine dernière. De retour de Suisse, où il a multiplié les contacts, le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a appelé le parlement à s'emparer d'un dossier qui suscite la polémique ailleurs en Europe.
De quoi s'agit-il ? Comme je l'ai expliqué sur ce blog il y a quelques mois (ici), Rubik est une stratégie mise en place conjointement par le gouvernement et les banques suisses pour préserver le secret bancaire tout en améliorant la réputation d'un pays qui ne veut plus être considéré comme un paradis fiscal. Difficile équation, qui ne pouvait déboucher que sur une stratégie ambiguë. Dans tous les pays européens tentés par l'offre suisse, les débats font rage entre les partisans d'un compromis présenté comme réaliste et ceux pour qui il est totalement insuffisant.
Concrètement, la Suisse propose un accord articulé sur deux axes principaux:
  • pour le passé, à titre de régularisation: un prélèvement forfaitaire (à des taux variant entre 15 et 34% selon le cas) sur les avoirs des résidents placés dans les banques suisses
  • pour l'avenir: un prélèvement d'un pourcentage (entre 25% et 40%) sur les revenus générés annuellement par ces capitaux.
Les trois pays qui ont conclu un tel accord jusqu'ici ont obtenu des conditions légèrement différentes entre eux, comme le montre ce tableau publié par les autorités suisses. Et derrière les taux, les recettes sonnantes et trébuchantes restent incertaines. Ni les Allemands et ni les Britanniques ne savent très bien s'ils doivent ratifier le compromis. La France avait quant à elle refusé purement et simplement d'engager des négociations (ici).

Et en Belgique ?

Avant même le lancement de négociations avec la Suisse, le projet provoque la polémique en Belgique aussi. Sur la RTBF jeudi matin, Didier Reynders a évoqué des rentrées mirobolantes. "On parle, d’après la Banque centrale suisse, d’une trentaine de milliards (d'avoirs belges cachés dans les banques suisses). Si on les taxe à plus de 30 %, on est en tout cas avec une dizaine de milliards qui pourraient venir vers la Belgique" (voir l'article de la RTBF).
Dix milliards d'euros ? Alléchant dans le contexte budgétaire actuel. Mais d'où vient cette estimation ? Le matin même, le journaliste Martin Buxant titrait en une dans le Morgen sur les 30 milliards d'épargne belge cachée en suisse, citant une source anonyme proche de la banque nationale suisse. Il évoquait aussi des rentrées potentielles de 10 milliards (ici). Le chiffre a fait jaser, jusqu'au sein du gouvernement, réuni en comité restreint le matin même. Au point que Didier Reynders a précisé dans l'après-midi ne pas le prendre pour argent comptant. "Je n'ai reçu aucune estimation des autorités suisses", a-t-il dit. Le chiffre de 10 milliards d'euros a été calculé par le Morgen sur base de données de la banque nationale suisse et "je ne prends pas ce calcul à mon compte" (ici).
Mais alors, combien de milliards ? Tout d'abord, il faut préciser que la banque nationale suisse ne dispose pas - en tout cas pas officiellement - d'une estimation de l'épargne placée dans les institutions privées, pour la bonne raison que le secret bancaire prévaut. L'estimation de 30 milliards a été faite à la louche par le bureau d'étude Helvea en 2009*. Les recettes de dix milliards sont calculées quant à elles en appliquant le taux maximal offert par la Suisse sur ces avoirs.

Dix milliards, vraiment ?

Ce calcul très théorique exagère largement les sommes qui pourraient rentrer dans les caisses de l'Etat. Tout d'abord parce que le taux de 30% ne prévaut que que dans une partie des cas. L'accord avec l'Autriche, par exemple prévoit une fourchette de 15 à 30%. Appliquée aux avoirs belges supposé, celle-ci déboucherait sur un gain théorique compris entre 3,9 et 7,8 milliards.
La somme reste coquette, mais il est très incertain que l'accord, tel qu'il est rédigé, permette effectivement de la collecter. Plusieurs raisons peuvent être mises en avant:
  • Dans une analyse détaillée de l'accord Suisse-Royaume-Uni, l'ONG Tax Justice Network a a identifié l'an dernier plusieurs de façons de le contourner, par exemple en utilisant une entité intermédiaire (trust, fondation...) ou en passant par une filiale de la banque dans un autre paradis fiscal.
  • Les contribuables des pays concernés ont tout le temps de déplacer leurs revenus avant l'entrée en vigueur de l'accord - aucun n'ayant encore été ratifié ni même, dans le cas de la Belgique, négocié. Pour atténuer cette crainte, les autorités suisses proposent de livrer la liste des pays vers lesquels les capitaux se sont échappés, sans donner aucun nom. Sans doute de très intéressantes statistiques, mais pas d'argent.
  • La mise en oeuvre de l'accord est laissée à l'appréciation des banques suisses elles-mêmes, qui sont chargées de prélever l'impôt et de le reverser, sans aucune possibilité de vérification, puisque le secret bancaire est maintenu. Or ces institutions ont fait la preuve à suffisance qu'elles étaient les complices actives de l'évasion fiscale, comme l'a montré l'affaire UBS.
  •  Le seul montant garanti dans l'accord est une avance que les autorités suisses promettent en gage de bonne volonté. L'Allemagne a obtenu 1,6 milliards d'euros, le Royaume-Uni 413 millions et l'Autriche rien. Qu'obtiendrait la petite Belgique ?

Un coût élevé

Ces réserves permettent de mettre en doute que des sommes importantes seront rapatriées effectivement. Or, sur le plan des principes, Rubik est loin d'être gratuit. Il permettrait à la Suisse de se refaire une réputation à bon compte. Si sa stratégie fonctionne, elle pourra se déclarer blanchie, tout en conservant le secret bancaire. L'accord ferait alors retomber la pression internationale, juste au moment où le changement de mentalités né de la crise financière commence à porter ses fruits. Le secret fiscal est de moins en moins accepté en Europe, où les moins aisés et les classes moyennes n'ont pas les moyens d'échapper à la rigueur, contrairement aux plus fortunés. La transparence est en passe de devenir la norme internationale, sous la forme d'un échange automatique d'informations. Conclure un accord Rubik reviendrait dès lors à donner quelques années de répit à un secret bancaire qui règne depuis déjà bien trop longtemps - avec des recettes bien trop incertaines.




* Helvea calcule ce montant sur base des montants transférés par la Suisse conformément à la directive sur la fiscalité de l'épargne. (Cette directive prévoit une retenue à la source sur les revenus des placements bancaires des Européens en Suisse. Rubik couvre en effet les autres revenus financiers, comme les gains en capital, les dividendes et autres). Sur base d'une extrapolation de ces transferts, avec une méthologie sujette à caution, Helvea calcule que les avoirs européens totaux en Suisse s'élevaient en 2007 à 863 milliards de francs suisses (714 milliards d'euros). Les avoirs belges s'élevaient quant à eux à 37 milliards de francs suisse (30 milliards d'euros), dont 32 milliards non déclarés (26 milliards d'euros).