samedi 27 février 2016

Grand amour et statut social: en 2016, la foudre ne tombe toujours pas n’importe où

Depuis Romeo et Juliette, morts sur l’autel des querelles entre leurs deux familles, on sait qu’il ne fait pas bon frayer en dehors de son groupe social. De tous temps, le mariage a été pour les communautés une manière de préserver le capital génétique, symbolique ou financier. Pour cette raison, il constitue un champ d’analyse privilégié de la sociologie. 
L’homogamie – la tendance à se marier à l’intérieur de sa communauté- « est considérée comme l’indicateur principal de la cohésion des groupes sociaux », explique le sociologue français Milan Bouchet-Valat. Et pourtant, son évolution à travers temps n’a que peu été mesurée. Le chercheur a entrepris de remédier à ce manque en croisant les données des mariages à celles du niveau d’étude en France entre 1969 et 2001. Un demi-siècle après l’affirmation fameuse, par le démographe Alain Girard que  « la foudre, quand elle tombe, ne tombe pas n'importe où », Milan Bouchet-Valat fait une découverte surprenante. Le coup de foudre semble bien devenir un peu plus aléatoire.  Le mariage s’est en effet largement décloisonné : le taux de couples dotés du même niveau de diplôme (appelé « homogamie de diplôme ») est passé de 47% en 1969 à 27% en 2001. 
On observe ainsi une multiplication de couples associant un(e) cadre du supérieur à un(e) membre de classe populaire ou à un(e) employé(e) qualifié(e). Dans toutes les couches de la société, on semble hésiter moins à tomber amoureux de quelqu’un qui n’a pas les mêmes origines sociales. Toutes ? Non, un groupe résiste encore à la mixité. Les élèves de grandes écoles, ces fabriques très françaises de l’élite nationale, continuent de se marier entre eux. Le taux d’homogamie y a même augmenté en trente ans. Le phénomène peut s’expliquer par un entre-soi accru au sein de ces établissements : non seulement la part des enfants issus des classes populaires y a-t-elle baissé plus rapidement que dans le reste de la population, mais l’arrivée des femmes dans ces écoles auparavant exclusivement masculines y a augmenté les probabilités de rencontres amoureuses.
Le tableau de l’homogamie de diplôme ressemble donc étrangement à celui des inégalités de patrimoine et de revenus : il dépeint un sommet de plus en plus isolé du reste de la population. La tendance est confirmée par les résultats d’une autre recherche récente. Dans une étude sur « le rôle de l’héritage et du revenu du travail dans les choix matrimoniaux », l’économiste Nicolas Frémeaux  montre que les héritiers tendent à se marier entre eux. Cette « homogamie d’héritage » serait également en augmentation.
Bref, à rebours de la société, l’élite ne semble toujours pas disposée à frayer avec les gueux. Si vous comptiez sur un bon mariage pour vous faire une situation, mieux vaut ne pas vous faire trop d’illusion. Vu les évolutions sociétales, vous aurez plus de chances en jouant à la loterie. 


Plus d'informations

Retrouvez cette chronique dans le magazine Imagine Demain Le Monde


1 commentaire:

  1. À mon avis il y a plus de probabilité de se marier avec la bonne personne que de gagner à la loterie. Depuis un certain temps je m’intéresse à la loterie américaine et je n’arrête pas d'acheter Mega Millions en ligne ! Nous avons une chance sur 2,5 millions d'avoir les bons numéros.

    RépondreSupprimer