En 2010, les Etats-Unis ont fait passer une législation dont le monde n'a pas immédiatement mesuré la portée. La loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) allait imposer à toutes les banques de la planète de transmettre les informations nécessaires à la taxation des Américains, qu'elles soient ou non localisées dans un paradis fiscal (voir mes posts précédents ici). Peu à peu, FATCA est devenu le nom de l'arme atomique sur le front de l'échange d'informations fiscales. Les Etats-Unis semblaient avoir trouvé la parade ultime aux paradis fiscaux.
L'Europe a mis le temps à réagir. D'abord incrédules face à une loi extraterritoriale - impérialiste presque -, les gouvernements ont négocié des accords avec Washington pour encadrer un peu l'ingérence américaine, mais aussi pour assurer une certaine réciprocité.
La France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont donc conclu avec les Etats-Unis des accords intergouvernementaux (censés servir de modèle pour les autres Etats européens). Sur cette base, la Belgique vient d'envoyer une proposition d'accord à Washington. Elle y a joint en douce une annexe de comptes, de produits financiers et d'entités "dont on considère très peu probable qu'ils soient utilisés pour éluder
l'impôt, et qui devraient dès lors être exclus du champ d'application" (ici). Comment ne pas voir dans cette liste, rédigée avec les fédérations financières Febelfin, Assuralia et BEAMA, une tentative de contourner le caractère très général de la loi US ?
Mais l'enfumage européen ne s'arrête pas là. Les ministres des Finances de l'Union parlent désormais de développer un 'FATCA européen", en utilisant l'acronyme comme un gage de leurs intentions sérieuses de mettre fin à l'évasion fiscale. Ce dont il est question concrètement, c'est d'étendre à toutes les catégories de revenus l'échange automatique d'information déjà prévu pour les intérêts de l'épargne. Un progrès très significatif, mais pourtant bien moins ambitieux que le projet américain. Les Européens ne s'échangeraient en effet ces informations qu'entre eux. Or, ce qui rend unique la loi FATCA, c'est son caractère extra-territorial: les contribuables américains ne pourront plus se cacher nulle part sur la planète. Rien de tel n'est prévu pour l'instant en Europe, où visiblement les gouvernements se montrent toujours enclins à laisser ouvertes quelques portes de sortie pour les fraudeurs.
En effet ! Merci d'en parler aux français de ce qui se trame. Il faut bien noter que cette loi a des effets néfastes pour les americains, certes, mais aussi les détenteurs de greencards, les redevables d'impôts US. Les banques commencent à leur refuser des comptes de type investissement.
RépondreSupprimerJe suis une américaine, épouse de français.
Le probleme des Europeens n'est pas un manque de volonte d'agir contre l'evasion fiscale, mais un manque de moyens. Le 'baton' da la loi FATCA americaine est la menace d'une retenue a la source de 30% sue toute distribution en Dollars a un institut financier qui ne soumettrait pas a ce texte. Vu la dominance de la monnaie Americaine dans les echanges et les reserves mondiaux, cet impot a la source serait mortel pour tout groupe financier.
RépondreSupprimerBien sur l'Europe ne dispose pas de cette arme: l'Euro n'est pas a l'echelle globale une monnaie de reserve ou de transaction majeure.
Je ne vois pas très bien ce qui empêcherait les Européens d'adopter une pareille retenue à la source, indépendamment de la monnaie de la transaction.
RépondreSupprimer@Ellen: c'est indéniable que la loi a des effets pervers. Mais à mes yeux, ils sont justifiés par l'existence des paradis fiscaux.
RépondreSupprimerMerci pour ce billet sur un sujet peu connu en France.
RépondreSupprimerLes conséquences de cette loi impactent les Européens (et les Francais) aussi.
1. FATCA a un coût énorme parce que les banques doivent refaire leurs systemes d'information et changer leurs procédures. Ce coût sera payé (pas par le gouvernement Américain ou ses citoyens) mais par les banques locales et leurs clients.
2. Les Etat-Unis ont une definition assez large de "contribuable américain." En effet il ne s'agit pas simplement d'un citoyen Américan avec son passport bleu mais de toute personne couverte sous le terme "U.S. Person."
Un "U.S. Person" peut être:
Un Français né aux Etats-Unis pendant un sejour de ses parents qui ont quitté le territoire American 6 mois apres la naissance.
Un Français né en France avec un père (ou mère) Américain.
Ou simplement un Français qui a eu la mal chance de passer un peu trop de temps aux Etat-Unis avec ou sans une "Green Card."
Selon la loi Américaine ces personnes sont des "U.S. Persons" et doivent declarer leur revenu mondial (et, dans certain cas, payer les impots) aux Etats-Unis. Peu importe que ce revenu n'a rien à voir avec les Etats-Unis. S'ils refusent ou ne savent pas qu'ils doivent s'occuper de toute cette paperasse vis à vis des Etats-Unis, ils sont quand meme des "évadés fiscaux Américains."
Sous FATCA toutes ces personnes risquent de voir leurs informations financières envoyées au fisc Américain ainsi que celles de leurs époux et leurs enfants francais.
Nous ne savons pas encore comment l'EU (et la France) vont réagir - pour ou contre la protection de ses propres citoyens face à une nation prédatrice?
@Eric: "c'est indéniable que la loi a des effets pervers. Mais à mes yeux, ils sont justifiés par l'existence des paradis fiscaux."
RépondreSupprimerNon, rien ne justifie la discrimination des "US Person" par certaines banques. Ces personnes, qu'elles soient immigrantes, ou expatries qui sont revenus chez eux n'ont plus acces aux certains investissements ou assurances vie. Dans certains cas, le banques leur refuse meme un compte. C'est inadmissible, et n'a pas sa place dans notre societe. Ca ne devrait pas etre permis. Les gouvernements qui signent des accords pour mettre en place cette loi devraient interdire les banques de discriminer.
Il y a aussi le problem du traitement injuste qui est applique par le FISC americain aux personnes qui n'ont pas declares proprement leurs comptes a l'etranger ou paye les impots sur les interets de leurs comptes a l'etranger. Le FISC US traitent de la meme facon les riches Americains qui trichent, et ceux qui habitent a l'etranger et qui ne savaient pas qu'ils devaient declarer leurs avoirs de leur pays d'accueil, idem pour les immigrants qui ont laisse un compte en banque dans leurs pays d'origine.
La peine: penalites sur les 8 dernieres annees, et une amende de 27.5% de la valeur maximale que tous les comptent en banques avaient sur les 8 dernieres annees.
Les pays qui transmettent ces donnees doivent etre au courant du sort qui va etre reserve a ceux don't ils fournissent les noms. Et non, ce ne sont pas tous des evades fiscaux!
C'est envoyer ces gens a la guillotine financiere.
Ce que font les US avec FATCA est ignoble - similaire a l'Allemagne NAZI de la seconde guerre mondiale. Ils precedent a l'enumeration des avoirs de leurs citoyens habitant a l'etranger pour les confisquer.
Regarder cette affiche publiee dans un journal sri lankais:
http://isaacbrocksociety.ca/wp-content/uploads/2013/07/US-Sri-Lankans-Asked-to-Register-with-their-Banks.jpg
Ca ne vous rapelle rien?
Aussi pour reference, regardez le traitement du FISC Americain:
http://www.irs.gov/Individuals/International-Taxpayers/Offshore-Voluntary-Disclosure-Program-Frequently-Asked-Questions-and-Answers
Laissez moi souligner quelques points:
33. Is there a de minimis unreported income exception to the 27.5 percent penalty?
No. No amount of unreported income is considered de minimis for purposes of determining whether there has been tax non-compliance with respect to an account or asset and whether the account or asset should be included in the base for the 27.5 percent penalty.
Si vous devez $10 d'impots, ils vous confisquent quand meme 27.5% du total des comptes (pas des interets)
52. Under what circumstances would a taxpayer making a voluntary disclosure under this initiative qualify for a reduced 5 percent offshore penalty?
2.Taxpayers who are foreign residents and who were unaware they were U.S. citizens.
Par exemple un citoyen Francais ne de parents Americains en France. Son compte sera transmis s'il admet a sa banque qu'une de ses parents est Americains et les US vont lui voler 5% de son patrimoine.
Je suis contre l'evasion fiscale, mais cette loi va trop loin.
Il y a deja des procedes en place pour lutter contre l'evasion fiscale. Regardez les process qui ont eu lieu entre les US et les banques Suisses. Ces actions legales fonctionnent. Pourquoi empieter sur la souverainete des pays et imposer un loi extra territoriale qui a des consequences nefastes quand d'autres moyens existent pour lutter contre l'evasion fiscale?
Le jour où les États-Unis seront prêts à aligner leur définition de résidence fiscale sur celle employée par le reste du monde, alors seulement le Fatca pourrait constituer une solution raisonnable pour contrer l'évasion fiscale. Considérer comme domiciliée fiscale américaine toute personne ayant la nationalité US (même celle née aux États-Unis mais n'y ayant vécu que très peu de temps), ou possédant une carte verte, où qu'elle vive sur la planète, est tout simplement hallucinant. Et dans cette logique, assimiler une Belgo-américaine qui vit, travaille et paie ses impôts en Belgique, qui n'a strictement aucun lien économique avec les États-Unis – ni revenus, ni comptes en banque, ni maison -, à un Américain qui cache son argent en Europe est d'une injustice flagrante. Il serait tellement simple d'établir une dérogation pour ceux qui vivent, travaillent et paient leurs impôts dans un autre pays. Nous ne sommes pas des fraudeurs. Le nombre d'Américains vivant en dehors des USA qui choisissent de renoncer à cette nationalité plutôt que de traîner ce boulet jusqu'à la fin de leurs jours croît sans cesse. Comme on dit en Belgique, "Trop is te veel"!
RépondreSupprimerMerci pour ces commentaires qui montrent bien à quel point cette loi aura un impact profond pour les Américains résidant à l'étranger (pas besoin de la comparer au nazisme, cela dit).
RépondreSupprimerMais je voudrais souligner un point: c'est plutôt la définition d'une "US person" qui pose problème que la loi FATCA elle-même. Celle-ci prévoit seulement l'obtention d'informations fiscales par l'IRS (le fisc américain).
Pour moi, cette transparence fiscale est une condition indispensable à une plus grande justice. Aujourd'hui, trop de gens ne contribuent pas à la solidarité en cachant leurs revenus à l'étranger. C'est profondément injuste pour ceux qui paient.
C'est pourquoi FATCA devrait servir de modèle à un échange multilatéral et réciproque d'informations.
Après, l'assiette (qui est taxé) et le taux de l'impôt (à quel pourcentage), c'est une question de choix politiques.
Et sur ce point, je suis assez d'accord avec le commantaire Betty Jackson sur la définition de la résidence fiscale.
"Celle-ci prévoit seulement l'obtention d'informations fiscales par l'IRS (le fisc américain)."
RépondreSupprimerNon, FATCA prevoit bien plus que cela. Informations fiscales consisteraient aux interest/dividendes distribues sur les comptes.
Pourquoi transmettre la valeur totale des comptes en addition?
Je suis d'accord avec vous qu'un des probleme principal est la definition de US Person.
Mais le plus gros probleme est celui de la discrimination et ce probleme est rarement discute.
Si les gouvernements souhaitent un echange mutuel d'informations par les banques, il faut qu'ils interdisent la discrimination des populations touchees.
> pas besoin de la comparer au nazisme, cela dit
RépondreSupprimerJe vous encourage a lire cette soumission au US Ways and Means Committee, d'une retraitee Americaine de 68 ans habitant, au Canada, qui a souhaite regulariser sa situation.
http://waysandmeans.house.gov/uploadedfiles/patricia_anderson_daddario.pdf
Les Americains vivant a l'Etranger, et immigrants habitant aux US qui sont au courant de cette loi sont TERRIFIES du sort qui leur seront reserves quand leurs info seront transmises.
De nombreuses personnes dans le meme cas que Patricia ont ete traite de la meme maniere. D'ou ma comparaison, qui je le concede est un peu forte. Mais personne ne parle de l'aspect humain et des consequence que cette loi va avoir pour millions de personnes touchees qui ne tombent pas dans la categorie des "tax evaders". C'est un probleme qui doit etre aborde.
Probablement une des raison pour laquelle un IGA avec le Canada n'a pas encore ete signe. Le Canada a plus d'un millions de residents Americains, un grand nombre ayant la nationalite Canadienne, que le government du Canada se doit de proteger.
Et dire qu'ils disent se battre pour les droits de l'homme. Pourtant, c'est chez eux que les gens profitent le moins de leur droit à la vie privée et ils n'ont pas encore aboli la peine de mort en plus.
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